20th Century Fox

Ce soir, Christian Bale est Moïse sur W9.

Dieu n’est pas mort. Il parle à travers la bouche d’un petit garçon à Moïse, embrasant les pulsions guerrières du prince d’Egypte déchu et exilé afin de le faire libérer le peuple hébreu du joug égyptien. C’est la plus belle idée de cinéma d’Exodus : Gods and Kings. Représenter l’inreprésentable par un petit garçon qui ne semble habiter que l’esprit de Moïse.

Dissonant et dégénéré

Mais il n’y a pas que cette idée minimaliste dans Exodus, il y a aussi toute l’imagerie biblique convoquée dans des tableaux souvent somptueux inspirés de l’orientalisme pompier. Le film respire à l’aide de cette dialectique incessante entre raison et foi, entre réalisme et imaginaire. Ainsi les plaies d’Egypte sont traitées à la fois comme faisant partie d’un cycle naturel mais aussi comme des phénomènes inexplicables, et l’intelligence du film est de laisser planer le doute. En ce sens, Exodus se rattache moins à Gladiator qu’aux péplums dissonants et dégénérés du 21ème siècle -Alexandre d’Oliver StoneNoé d’Aronofsky- qui, sans renier le grand spectacle visionnaire inhérent au genre, exposent la folie du pouvoir et les destinées singulières de ceux qui l’incarnent. Ici, le combat d’un homme pour libérer son peuple. On peut bien y plaquer ce qu’on veut dessus, surtout qu’il s’agit de la Bible.

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"Je parle avec Dieu." "Quel dieu ?"

Moïse est chef de guerre (c’est ainsi que Dieu l’appelle : "j’ai besoin d’un général"), guérillero illuminé, gourou charismatique et enfin législateur. C’est là l’audace du film : montrer Moïse non comme un barbu ombrageux à la Heston, mais bien comme un guerrier exalté (la marque du scénariste Steven Zaillan est indéniable), traversé de pulsions homicides (après avoir appris sa vraie origine, de rage, il bute deux hommes), en plein trip mystique, mettant en scène son épiphanie et sa propre légende – et ce n’est pas un hasard si le film cite visuellement John Ford, autre cinéaste du mythe. "Je parle avec Dieu", dit Moïse à Ramsès en lui plaçant son épée sous la gorge. "Quel dieu ?" répond, innocemment, le pharaon. Tout est dit, même s’ il faudrait aussi souligner le pessimisme du film, qui refuse la glorification et l’héroïsme (Moïse contemple les exécutions des Hébreux sans sourciller). Exodus, en fin de compte film radicalement athée (comme tous les films de Ridley Scott), raconte à travers Moïse comment le mythe devient histoire, la foi devient loi.

Le dieu du spectacle

Et la loi qu'Exodus respecte avant tout, c’est celle du grand spectacle total : de la scène de bataille d’ouverture à celle -fabuleuse- du passage de la Mer rouge, véritable climax orgasmique, Scott déploie sa maîtrise d'un cinoche monumental traditionnel. Malgré sa durée, le film passe comme un éclair, et on sent que Scott a beaucoup taillé dans son matériau, se focalisant sur Moïse, composé sobrement par Christian Bale dépouillé comme jamais, et traitant un peu moins bien les seconds rôles, entre inexistence et hésitation -Joel Edgerton, intense et écorché, cherche un peu son Ramsès mais finit par le trouver au cours d’une scène d’une violence inouïe où il présente à Moïse le corps de son premier-né, tué par l’Ange exterminateur. "Qui peut adorer un tel Dieu ?" hurle-t-il. Question rhétorique. Le combat mené par Moïse n’est pas celui d’un "peuple élu" ou d’un dieu quelconque. Il est celui que mène l’homme pour influer sur l’histoire (les scènes finales sur les dix commandements sont éclairantes). Les bigots pourront toujours crier. C’est l’homme et lui seul qui agit dans le monde et crée, les guerres comme les films.

Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)

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Bande-annonce d’Exodus : Gods and Kings :