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Un western féministe ambitieux mais boursouflé. 

Pas Brimstone, non. "Koolhoven’s Brimstone". C’est écrit comme ça dans le générique d’intro, le patronyme du cinéaste néerlandais (Martin de son prénom, révélé il y a quelques années avec Winter in Wartime) s’affichant en gros au-dessus du titre, dans un effet de signature XXL qui évoque les délires mégalomaniaques de Lars von Trier ou Tarantino (qui ont tous les deux usé du même procédé, respectivement dans Breaking the Waves et Les Huit Salopards). Ça peut paraître un peu prétentieux, mais ça tombe aussi sous le sens, Brimstone racontant le chemin de croix d’une héroïne au cœur pur égarée dans un Far West dégénéré, un calvaire christique à la von Trier déguisé en western grandiloquent. Quelque chose comme Dogville Unchained, quoi. Le tout découpé en chapitres, comme il est de rigueur chez Lars et Quentin.

Imagerie craspec
Placé ainsi sous les auspices des deux plus grands petits malins des années 90, Brimstone s’offre à voir comme un film-monstre, qui veut tout détruire sur son passage. 2h30 de furie terrorisante où l’on observe une jeune blonde innocente (Dakota Fanning) et un pasteur cinglé et obsédé sexuel (Guy Pearce) jouer au jeu du chat et de la souris. C’est une fable à la Nuit du Chasseur, mais traitée de façon totalement outrée. Une réflexion sur la foi qui rend fou, mais plongée dans une imagerie craspec de cinéma d’exploitation, de revenge movie aux élans Z et sans retenue aucune – victimes étranglées par leurs propres boyaux, virée dans un bordel où l’on coupe en gros plans insistants les langues des putains rebelles, viols à répétition, pédophilie, inceste… Koolhoven entend manifestement mélanger ici tout un tas d’esthétiques diverses, presque irréconciliables (l’austérité nordique à la Bergman, le western postmoderne, la folie bis décomplexée), mais leur collusion ne produit pas tant de l’étrangeté ou du beau bizarre que de la confusion intellectuelle.

Appétit démentiel
Entendant dénoncer très sérieusement la violence machiste et l’extrémisme religieux, Brimstone le fait dans une forme tellement pompeuse et grotesque qu’il finit par s’enferrer tout seul dans ses propres outrances, franchement pas aidé par un Guy Pearce en roue libre (encore plus que d’habitude, si, si), dans un rôle assez idiot de curé de l’enfer à l’épreuve des balles, quelque part entre Bob Mitchum et le Terminator. On mentirait en disant que certains partis-pris du film ne sont pas séduisants (le récit raconté dans le désordre et à reconstruire par le spectateur est assez fun) ou que ne souffle ici aucun vent romanesque. D’une certaine manière, l’appétit démentiel de cinéma de Martin Koolhoven fait plaisir à voir. Et certaines images aperçues dans ce pandémonium (la muselière que fait porter le pasteur zinzin à sa femme) sont sans doute indélébiles. Mais ça ne pèse pas grand-chose face à la boursouflure de cet objet épuisant, finalement aussi frustrant sur le plan du pamphlet féministe que sur celui du simple plaisir westernien. Quand, quelque part vers la fin du film, Pearce susurre des menaces sexuelles à une fillette de cinq ans avant de la fouetter et qu’il a l’air de faire ça uniquement pour amuser la galerie, Brimstone semble ne plus répondre de rien, comme assommé par le poids de sa folie grand-guignolesque.

Brimstone, de Martin Koolhoven, avec Dakota Fanning, Guy Pearce, Kit Harington... En salles.