1999. American History X, récit cauchemardesque de la rédemption impossible d’un ex-néonazi, met une grosse claque à tout le monde. Un film coup de boule qui ne porte absolument pas les stigmates d’une production houleuse. Et pourtant... Durant les mois qui ont précédé sa sortie, le premier long métrage du clippeur Tony Kaye a été l’objet d’une guerre sans merci opposant le réalisateur au studio New Line, puis à son acteur principal, Edward Norton, qui avait fini par reprendre le montage du film. Kaye essaiera de retirer son nom du générique (pour le remplacer par le pseudo « Humpty Dumpty »), avant que la Directors Guild of America, le syndicat chargé d’arbitrer ce genre de situations, ne tranche en sa défaveur. Il leur intentera un procès, ainsi qu’à New Line, exigeant 275 millions de dollars de dommages et intérêts. Perdu d’avance.Tableau noirAnéanti par ce clash légendaire, Tony Kaye ne donnera pas de nouvelles avant 2006, année où il signe Lake of Fire, documentaire autofinancé de 2 h 30 sur l’avortement. Trois ans plus tard, il revient à la fiction avec Black Water Transit, un polar sur le trafic d’armes interprété par Karl Urban et Laurence Fishburne– le film n’est toujours pas achevé à l’heure qu’il est, victime de la banqueroute de ses producteurs. Comme pour déjouer ce qui commence à ressembler à une malédiction, Kaye enchaîne aussitôt avec Detachment, drame indé dans lequel un prof remplaçant (Adrien Brody) va redonner espoir aux enseignants et aux élèves d’un lycée sinistré du Queens. S’il ne s’agit pas exactement du film qui lui permet de tutoyer à nouveau les sommets atteints avec American History X, Detachment (sorti le 28 août en DVD et Blu-ray) remet en tout cas le cinéaste sur les rails. « J’ai fait fuir énormément de monde à l’époque de mon premier long », avouait-il récemment. « Ça m’a pris un certain temps, mais aujourd’hui, je me sens prêt à bosser sur un gros film de studio. J’aurais adoré réaliser John Carter Qui d’autre que Tony Kaye pouvait jalouser l’un des plus gros flops de l’histoire du cinéma ?Mathieu Carratier